Véhesse

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Billets qui ont 'Salgas, Jean-Pierre' comme nom propre.

vendredi 25 février 2005

[À voix nue 3/5] Les cartes et la Caronie

l'émission.

Salgas : Passion dévorante pour l'histoire et la géographie. Les cartes. Carte de Caronie. Géographie dans Journal d'un voyage en France. Vous vous promenez longuement dans votre région, autour de Chamalières.
RC: Passion présente dès Passage, Travers. Pourquoi l'histoire, pourquoi la géographie? Un attachement pour le passé, une sympathie pour tout ce qui est veuf de pouvoir. Une sympathie pour tout ce qui perd le pouvoir, tout ce qui tombe. Fasciné par les signes du pouvoir. Déteste le pouvoir, mais en aime les signes. Intérêt très profond.

Salgas : Chute sociale relative de votre famille: est-ce par là que vous expliquez cette nostalgie?
RC: Explication tellement énorme. Mais le fait qu'elle soit grossière n'empêche pas qu'elle soit juste. Traumatisme enfantin de la perte d'une maison. On sauve par l'écriture ce qui pouvait l'être (conservatoire). Déclassement économique accompagnée d'une résistance sociale manifeste. Surchage des signes d'une situation perdue, par exemple le vouvoiement, tout de même extrêmement anachronique.
Toute littérature est liée à la perte. Pourquoi le Sud une littérature si abondante et si belle? Monde perdu que la littérature compense.

P Salgas: Etes-vous satisfait d'être de Chamalières? Je pense à quelqu'un d'autre.
RC: J'arrive toujours en second: mon nom est celui de quelqu'un d'autre, je suis né dans un lieu illustré par quelqu'un d'autre, Roman est Roman II, après le roi mythique Roman I.
Légitimité: RC plus que Giscard d'Estaing, car RC né à Chamalières.
Chamalières: un non-lieu. Un peu exagéré. Mais confins effectivement flou. Une ville entre deux villes, Clermont et Royat. Lieu de transition, de passage.

Salgas: Vous vous sentez Auvergnat?
RC: Non, je ne me sens rien du tout. Inappartenance (Roubaud). Le bathmologue ne se situe pas au-delà des discours, il doute de son propre discours. Il ne tient pas à ses opinions. Je n'y tiens pas. Par rapport à l'Auvergne, je n'y tiens pas (mais pas d'hostilité non plus). Ce n'est pas une identité très forte car elle n'est pas problématique. Pas comme être belge, corse, breton, juif. Identités problématiques donc très fortes.
De plus peu connotations assez déplaisantes. Chanson de Brassens, Victor Hugo à propos de l'avocat Manuel arrêté sous la Restauration:
« Vicomte de Foucault lorsque vous empoignâtes
L'éloquent Manuel de vos mains auvergnates »
On sent que les mains auvergnates sont vraiment une circonstance aggravante. Nous aimions l'Auvergne: l'art roman, les volcans,…

Salgas: Vous semblez tenir bcp au pays que vous avez inventé, la Caronie.
RC: Que j'ai inventé?

Salgas: Que certains de vos lecteurs pensent que vous avez inventé.
RC: La Caronie scandaleusement oubliée. A l'intérieur même de la Caronie. Forclusion d'une partie de l'histoire. Victime d'un interdit historiographique.

Salgas: Comment vous expliquez que ce pays est beaucoup de traits du Portugal? Le grand poète Odysseus Hanon sembe une sorte d'hétéronyme de Pessoa. Fondateur de l'absentéisme. L'une des rivières s'appelle la Saudad, etc.
RC: Un des traits de la Caronie, c'est que tout le monde croit s'y reconnaître: le Portugal, la Roumanie. Position contradictoire de la Roumanie qui dit d'une part que la Caronie n'existe pas, d'autre part que la Caronie, c'est la Roumanie, ce qui semblerait impliquer que la Roumanie n'existe pas. Mais une lecture biographique remarquerait que la rivière qui passait au pied de cette maison où j'ai passé mes étés aux confins de la Creuse s'appelle la Saudad. Odysseus Hanon, c'est aussi Ulysse, s'est aussi Personne (Hanon). Exégèses complexes et nombreuses.

Salgas: Depuis la chute du mur de Berlin, avez-vous eu l'occasion de vous rendre en Caronie?
RC: Non, statut ambigü. Le pays le moins nettement dégagé de son passé récent.
Occultation de l'histoire et de la géographie.

Salgas: Les Roumains ont nommé un premier ministre qui s'appelait Pétré Roman: une tentative de détourner l'attention, de faire oublier la Caronie? Diversion?
RC: C'est vraisemblable. Exemple significatif du caractère générateur de la littérature.

Salgas: le Portugal est très présent dans vos livres.
RC: J'aime les pays des confins. Pays du bord. J'ai toujours préféré les bords au centre.

Salgas: Caronie du centre du centre du centre.
RC: Non, la Caronie est marginale par rapport aux pays de l'Est. Pays du passage. Pays de Charon, celui qui fait passer. Pays du retour. La capitale s'appelle Back. La traversée peut se faire dans les deux sens, qui sait.
Le Portugal fonctionne comme une utopie réelle pour les Portugais. Eux aussi sont assez porté par l'absentéisme. Une idée du Portugal, un Portugal regretté, absence constituve. Teixeira de Pascoes. Le non-dit essentiel de Pessoa. Un sentiment passionnant du Portugal chez Pascoes comme Saudad pure, comme regret immédiat.

Salgas: Votre rapport à certaines régions passent par la lecture?
RC: Oui, besoin de cette médiation.
Pas nécessairement des écrits d'écrivains: dépliants, guides d'hôtel, etc. Rapport à l'écrit. Le pays est une écriture, un texte. Etroitesse du rapport entre la littérature et la réalité, la terre, la géographie. Forme du journal: lieu où ce rapport est le plus étroit. Coïncidence exacte entre l'écriture et les jours, les virgules et les fenêtres, la syntaxe et le destin, la vie au jour le jour.

Je ne pourrais pas aimer un pays qui n'aurait pas été pris en compte par une écriture quelconque, par qq chose qui a été écrit.

J'ai tendance à ne lire les textes que de façon géographique. Je ne m'intéresserais pas à un texte qui n'apporterait pas avec lui sa topographie, son air à fendre. La question de l'origine sous sa forme rudimentaire: d'où vient-on. Claude Simon. Le sol, le ciel, l'air extrêment présent.

Salgas: Claude Simon vous a fait voyager?
RC: Je pratique quelque chose de très peu approuvé par la modernité. Je pratique le pélerinage littéraire. J'aime beaucoup aller sur les lieux. Pharsale à cause de Claude Simon. On a tendance à ridiculiser cela. On prête aux gens qui font cela l'illusion que le lieu va donner le dernier mot du texte. Pas du tout. Je ne cherche pas un dernier mot, mais que les lieux donnent un air une terre en plus à la phrase, qu'ils creusent la phrase. La cavatine, ce qui creuse. Les Eglogues est un texte qui se creuse. La phrase sans arrêt coupée par un ailleurs, c'est-à-dire étymologiquement la métaphore.

Salgas: vous seriez ravi si vos livres servaient de guide bleu?
RC: oh oui j'adore ça quand les gens me disent quelquefois très gentiment "je suis allé dans telle région en me servant de vos livres comme d'un guide", ou plutôt comme d'un compagnon. Car les livres ne disent pas ce qu'il faut voir, mais rendent le lieu, l'heure, plus riches, plus bathmologiquement stratifiés.

jeudi 17 février 2005

Transposition de la première émission avec Pierre Salgas

J'entreprends de prendre des notes sur les cinq entretiens intervenus avec Jean-Pierre Salgas. le but est bien sûr de donner envie de les écouter, mais aussi de créer des points de repère afin de pouvoir retrouver très vite un passage des entretiens quand on le souhaite, et surtout de savoir dans lequel des cinq entretiens ce passage se trouve (j'ai tendance à les confondre): une indexation, en quelque sorte.

Il s'agit de notes. Je ne donne pas de formes, volontairement, car si je donnais une forme, je serais obligée de faire des citations exactes, ce qui serait très long. J'essaie simplement de fournir quelques mots-clés qu'on pourra retrouver grâce au moteur de recherche.

Ecoutez l'émission

** la première phrase du premier livre: "une table, une fenêtre". Roussel, Claude Simon. Côté référentiel par rapport à toute la littérature.
Tout est là, les figures, les thèmes. Des guillemets, un tiret, donc une flèche qui va vers l'amont. Phrase qui est une référence à la référence.
"Ecrits antérieurs de l'auteur" : assez flou. Pas de fond de tiroir. Il s'agit du sentiment que la phrase a toujours un passé. Les phrases et les idées ne lui [RC] appartiennent pas vraiment.
Un texte que intertexuel: peut-être que RC n'est lui-même que intertextuel.
Références aux travaux de Jean Ricardou. Influence considérable d'ordre technique. Tempérament conservateur/conservatoire de la phrase opposé au côté technique de la modernité.
Pourquoi ne pas avoir été proche de Sollers? Celui-ci théorisait moins l'écriture en général. Ricardou posait davantage de questions. Lecture de Tel quel à partir de 1962 à peu près. Ricardou plus tard.

** Sciences-Po. Etudes en droit. Une maîtrise sur l'idéologie de Tel quel. Etudes en Angleterre en 1966. Folle passion pour Virginia Woolf. «Ce que j'aime naturellement». Ricardou s'est plaqué sur un lecteur de Virginia Woolf, tandis que les tenants de la modernité lisaient plutôt Joyce. Grande admiration pour Joyce, mais un rapport un peu extérieur. Joyce "n'est pas son genre".
Amour de l'Ecosse, de la Cornouaille, de la campagne anglaise.
RC a écrit une longue histoire de l'Ecosse.

** Roland Barthes a soutenu Passage. Ardent lecteur de Barthes qu'il connaissait depuis un an au moment de la publication de Passage RB soutenait plutôt des textes comme Sollers, Guyotat, qui bousculent plus l'intérieur de la phrase, tandis que RC était davantage dans la ligne du Nouveau Roman. Subversion du récit plus que celle du langage.
RC: «Est-ce que Barthes m'aurait soutenu si nous n'avions pas été amis? Je n'en sais rien. Il a été très gentil. Est-ce qu'il en aurait fait un très grand cas de Passage si nous n'avions pas été amis, je n'en sais rien»

** Des séries. Eglogues, autobiographie, deux romans, élégies, miscellanées. Comment se fait le passage entre passage et la suite entre Passage et Échange? Passage a écrit Denis Duparc, et Denis Duparc écrit Échange.
Ne connaissait pas Pessoa et les hétéronymes. Ne connaissait pas l'oeuvre mais la personne de Pessoa.
JP Salgas : ce qui est étonnant c'est que vous avouez les hétéronymes. Vous dites Denis Duparc, c'est moi.
RC: Je n'ai jamais rien dis de pareil.
JP Salgas: Les listes du même auteur rangent les choses sous votre nom.
RC: Vous attirez mon attention sur un détail qui m'avait totalement échappé.
JP Salgas : Qui êtes-vous? Renaud Camus ou Denis Duparc?
RC: Suis-je bien Renaud Camus? Je n'en suis pour ma part que très peu convaincu.
Pourquoi Duparc, Duvert pourquoi deux syllabes très commun aussi commun que Camus? D'autant plus que votre œuvre est parcourue par une passion pour les noms, d'Europe centrale, notamment.
Les Eglogues sont parcourues par une passion angrammatique. On m'a souvent dit que cela ne devait pas être très commode de porter le nom d'un autre écrivain. C'est peut-être un traumatisme tout à fait essentiel.
Denis anagramme de Indes. Duparc a écrit un livre qui pose comme fondateur le parc. Première phrase "Il y eut d'abord le parc". Il sort de son parc.
Système de couleurs. Passage: blanc et vert. Duvert pratiquement inévitable.
Duvert a réagi bcp plus vigoureusement que la famille Camus au fait que j'utilise le nom de Camus.

** Y aura-t-il d'autres volumes de Eglogues? Notes aux notes aux notes. Sorte de laboratoire aux autres volumes.
Les autres livres sont des notes qui ont pris des dimensions épouvantables. Les différents livres sont classés de façon précise, mais d'autres classements seraient possibles.
Certains livres ont sautés d'une case à l'autre dans la liste des œuvres parues.
A partir de Journal romain, un journal par an. Tendantiellement le journal n'est-il pas en train d'absorber l'ensemble du matériau? Projet d'un journal total. Tendantiellement la vie sera totalement absorbée par le journal (?)
J'ai envisagé un journal tout englobant dont le forme serait beaucoup plus contraignante. Car il s'agit d'une écriture a prima. Envisagé de le soumettre à des formes littéraires très fortes, mais idée écartée aussitôt. la vie elle-même est soumis a des contraintes littéraires très fortes. La graphobie: une vie écrite. L'existence prise dans des réseaux littérataires. L'emprise du travail littéraire sur la vie. Le diariste fou a tendance à ne plus qu'écrire son journal. L'influence de la littérature sur la vie les formes littéraires décideraient de nos choix existentiels, les lieux de l'existence, les voyages, les amis, les curiosités intellectuelles. Culte biographique totalement écarté par la modernité. Repères biographiques non pas comme explication de texte, mais création textuelle.
La littérature: forme plaquée sur du vivant, moderne plaqué sur du conservateur/oire. J'avais besoin de la forme pour ne pas être sentimental. Sinon RC aurait été au mieux un sous-Virginia Woolf plongé dans la saudad. « C'est de là que je viens, c'est cela que je suis.»

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